Quand la Grève Devient le Naufrage : Une Lecture Économique de la Fermeture chez Rio Tinto

Rio Tinto annonce la fermeture de son usine de poudres métalliques à Sorel-Tracy, sacrifiant 210 emplois d'ici fin 2025. Cette décision, "difficile mais nécessaire", découle d'un marché en déclin et d'une chute des ventes accélérée par la grève syndicale entamée en juillet. L'usine, liée à Rio Tinto Fer et Titane en révision stratégique, approvisionnait l'industrie automobile en composants pour moteurs à combustion, fragilisée par la transition électrique et les tensions commerciales mondiales. Le syndicat déplore le timing, tandis qu'un tribunal a condamné les briseurs de grève. Avant cela, 1700 employés au Québec.

ÉCONOMIEHENRY HAZLITTSYNDICAT

Yoann Paridaens

10/16/20256 min read

Un artisan forgeron au cœur d'un village médiéval. Ses marteaux résonnent, ses clients affluent, et soudain, ses apprentis, las de la sueur et des étincelles, exigent plus d'or pour leurs efforts. L'artisan cède, mais les prix grimpent, les clients désertent pour un rival plus agile, et l'atelier finit en ruines. Drôle de coïncidence, non ? Ce n'est pas une fable médiévale, mais un écho moderne à l'annonce fracassante de Rio Tinto : la fermeture de son usine de poudres métalliques à Sorel-Tracy, emportant 210 emplois dans sa tourmente. Et au milieu de ce chaos ? Une grève syndicale entamée en juillet, qui, comme un vent contraire, a accéléré le déclin des ventes. Passionné par les leçons intemporelles de l'économie libérale, explorons ce drame non comme un simple fait divers, mais comme un cas d'école sur les syndicats et leurs remous économiques. En nous inspirant d'Henry Hazlitt et des piliers de l'École autrichienne, nous disséquons comment ces conflits, bien intentionnés, peuvent couler plus de navires qu'ils n'en sauvent.

Commençons par le cœur du communiqué de Rio Tinto : une "décision difficile mais nécessaire", attribuée à un marché en berne pour les poudres métalliques, aggravé par la grève en cours. L'usine, partie intégrante de Rio Tinto Fer et Titane, produit des composants pour moteurs à combustion, un secteur chahuté par la transition vers les véhicules électriques et les tensions commerciales mondiales. Le syndicat, affilié aux Métallos de la FTQ, prend acte avec regret, déplorant l'annonce en pleine tourmente sociale. Nicolas Lapierre, directeur québécois des Métallos, invoque un "contexte difficile" avec surcapacité mondiale et pressions politiques. Sympathique, certes, mais creusons plus loin : cette grève n'est-elle pas le catalyseur d'une fermeture qui, sans elle, aurait pu être évitée ou atténuée ? C'est ici qu'intervient Henry Hazlitt, ce maître de la clarté économique, dans son Économie en une leçon (1946). Hazlitt nous enseigne à regarder au-delà de l'horizon immédiat, à peser les conséquences secondaires autant que les premières.

Dans son chapitre sur les syndicats, Hazlitt dépeint ces organisations comme des mirages bienveillants : elles promettent des salaires plus élevés pour un groupe restreint, mais au prix d'une distorsion du marché du travail. "Les syndicats, bien qu'ils puissent pour un temps assurer une augmentation des salaires monétaires à leurs membres, partiellement aux dépens des employeurs et partiellement aux dépens d'autres travailleurs, ne sont pas en mesure d'élever les salaires réels, car ils ne peuvent pas accroître la productivité marginale du travail." En clair : en forçant les salaires au-dessus du niveau naturel du marché, les syndicats réduisent l'emploi disponible, car les entreprises, face à des coûts gonflés, embauchent moins ou ferment boutique. Chez Rio Tinto, la grève a accéléré la baisse des ventes, rendant l'usine non viable. Les 210 travailleurs "protégés" par le syndicat se retrouvent au chômage, tandis que les contrats clients et fournisseurs pendent dans le vide. Hazlitt ajoute, avec une pointe d'ironie que j'apprécie : "Il est facile, comme l'expérience l'a prouvé, pour les syndicats, particulièrement avec l'aide d'une législation du travail à sens unique qui impose des contraintes uniquement aux employeurs, d'élever les salaires monétaires et ainsi de forcer la hausse des coûts de production." Résultat ? Une usine qui honore encore ses engagements "dans la mesure du possible" d'ici fin 2025, mais dont la production – vitale pour l'automobile – s'évapore. Les conséquences secondaires ? Des familles québécoises en précarité, une chaîne d'approvisionnement perturbée, et une révision stratégique chez Rio Tinto qui pourrait mener à une vente globale, effaçant des emplois au-delà de ces 210 âmes.

Mais ne nous arrêtons pas à Hazlitt ; tournons-nous vers les fondements de l'École autrichienne d'économie, cette école qui voit le marché comme un orchestre spontané, où chaque prix est un signal harmonieux guidant l'entrepreneur vers l'innovation. Ludwig von Mises, dans L'Action humaine (1949), qualifie les syndicats de "monopoles du travail" qui faussent ces signaux. "Les syndicats du travail visent une position monopolistique sur le marché du travail. Mais toute tentative de relever les salaires au-dessus du niveau déterminé par le marché non entravé est préjudiciable aux intérêts des travailleurs dans leur ensemble." Chez Rio Tinto, la grève a bloqué la production, envoyant un message déformé aux clients : "Attendez, ou payez plus cher ailleurs." Résultat : déclin accéléré, fermeture inévitable. Mises insiste : sans libre concurrence, l'entrepreneur – ici, la direction de Rio Tinto – ne peut ajuster ses coûts pour survivre. Ajoutez la transition vers l'électrique, un choc exogène, et le cocktail devient explosif. Friedrich Hayek, Nobel 1974 et chantre de l'ordre spontané, renchérit dans ses écrits sur le travail : "La position actuelle des syndicats ne peut durer, car ils ne peuvent fonctionner que dans une économie de marché qu'ils font tout pour détruire." Hayek voit les syndicats comme des bureaucraties centralisatrices, ignorant la "connaissance dispersée" des acteurs économiques. À Sorel-Tracy, les grévistes connaissaient leur usine, mais pas les clients mondiaux fuyant vers des fournisseurs non perturbés. L'humour noir ? C'est comme si un chef d'orchestre imposait un tempo unique à tous les musiciens : la symphonie vire au cacophonie, et le public s'en va.

Ces leçons théoriques prennent chair dans les cicatrices récentes du Québec. Prenons l'exemple d'Amazon, ce colosse du e-commerce qui, en janvier 2025, a annoncé la fermeture de ses sept entrepôts québécois, rayant plus de 1 700 emplois de la carte. Pourquoi ? Le seul site canadien syndiqué, à Montréal, avait franchi le Rubicon de l'organisation ouvrière, menant à une grève et des tensions. Amazon, pragmatique, a invoqué des "raisons opérationnelles", mais le timing hurle la vérité : les coûts salariaux gonflés et les disruptions ont rendu le Québec non compétitif. Résultat : 1 459 licenciements supplémentaires dans la livraison, avec Intelcom reprenant le relais sous des conditions moins contraignantes. Les syndicats, comme la CSN chez Renaud-Bray, crient à la "violation du droit à la négociation collective" lors de la fermeture d'une librairie à Québec en octobre 2025. Mais qui paie ? Les employés, piégés dans un cercle vicieux où la "protection" syndicale accélère la fuite des capitaux.

Autre cas poignant : la grève illimitée chez Olymel à Vallée-Jonction en 2021, où 1 050 travailleurs de l'abattage porcin ont paralysé l'usine. Olymel a riposté par des menaces de 500 coupes d'emplois et la suppression du quart de soir, culminant en 2023 avec une fermeture partielle que les syndicats n'ont pu contrer. En Beauce, région agricole fière, cette grève a non seulement affamé les familles, mais aussi fragilisé une filière nationale. Et dans la forêt québécoise ? Juin 2025 voit quatre syndicats forestiers alerter sur une "crise" menaçant des usines entières, avec la fermeture des opérations de Rémabec – un coup dur pour Unifor Québec. Ces exemples illustrent le pattern autrichien : les interventions syndicales, en élevant artificiellement les coûts, découragent l'investissement. Mises l'explique : "Aucune coopération sociale sous la division du travail n'est possible quand certains groupes ou syndicats obtiennent le droit de prévenir par la violence ou la menace la recours à d'autres méthodes de production." Au Québec, où les fermetures collectives touchent souvent des secteurs comme le Wal-Mart de 2005 – avec indemnités partielles pour les 50 ans et plus lors de la fermeture GM de Boisbriand – le bilan est clair : plus de grèves, plus de pertes nettes.

Élargissons à l'échelle canadienne, où le mal s'amplifie. La grève GM de 2017 à Oshawa a idling 2 800 ouvriers directs, mais surtout 3 200 sous-traitants en Ontario, forcés au chômage par la cascade des arrêts. Unifor, le mastodonte syndical, a célébré des gains salariaux, mais à quel prix ? Des usines comme celle de Windsor, fermée en 2008 par GM, ont emporté des milliers d'emplois, minant une région entière. Plus récemment, en 2025, Stellantis pause son usine de Windsor face aux tarifs américains, exposant des milliers à l'incertitude – un écho aux 750 licenciements chez GM Oshawa pour les mêmes raisons. Chez Cami Automotive à Ingersoll, 79 juniors ont été licenciés en février 2025, signe d'une précarité croissante. Et Canada Post ? Sa grève de 2024 a mené à des mises à pied temporaires massives, Ottawa imposant des réformes qui menacent des milliers d'emplois postaux en 2025. Hayek l'aurait prédit : "Une fois qu'il est reconnu que les syndicats empêchent les gens d'obtenir des emplois, un tel mouvement [anti-syndical] peut se propager facilement." Au Canada, où les fermetures comme celle de Dart Container en 2024 ont touché 58 membres Unifor, le pattern est glaçant : syndicats forts, emplois fragiles.

En filant la métaphore du forgeron, ces cas québécois et canadiens rappellent que l'or syndical est souvent du pyrite : brillant au toucher, mais toxique à long terme. L'École autrichienne nous invite à restaurer les signaux du marché – flexibilité salariale, innovation entrepreneuriale – pour que les artisans, libres, forgent un avenir prospère. Chez Rio Tinto, la fermeture d'ici 2025 n'est pas un verdict du destin, mais un avertissement : ignorez les leçons de Hazlitt et Mises, et les marteaux se tairont pour de bon. Et si l'humour sauve la mise ? Peut-être que la prochaine grève sera pour relancer l'usine... comme musée des erreurs économiques. À méditer, en espérant que le Québec et le Canada écoutent avant le prochain coup de marteau.