Ludwig von Mises : Le Lion de la Liberté Économique

ÉCONOMIELIBERTÉLUDWIG VON MISES

Yoann Paridaens

10/1/20256 min read

Imaginez un monde où l'idée même de planification centrale est vue comme une recette pour le chaos économique, un peu comme essayer de danser le tango avec un éléphant. C'est précisément le combat que mena Ludwig von Mises, le penseur autrichien qui, armé d'une plume acérée et d'une logique implacable, défia les titans du XXe siècle : le socialisme, l'interventionnisme étatique et les illusions keynésiennes. Né au crépuscule de l'Empire austro-hongrois, Mises n'était pas seulement un économiste ; il était un philosophe de l'action humaine, un défenseur farouche de la liberté individuelle. Dans cet article, nous plongerons dans son parcours tumultueux, ses triomphes intellectuels et ses luttes acharnées, en nous appuyant fidèlement sur la littérature de l'École Économique Autrichienne. Préparez-vous à une lecture d'environ dix minutes qui, je l'espère, vous laissera avec une soif renouvelée pour les marchés libres – et peut-être un sourire en coin face à l'absurdité des alternatives.

Les Années de Formation : D'un Jeune Idéaliste à un Disciple de Menger

Ludwig Heinrich Edler von Mises vit le jour le 29 septembre 1881 à Lemberg, en Galicie (aujourd'hui Lviv, en Ukraine), au sein d'une famille juive aisée de l'Empire austro-hongrois. Son père, Arthur Edler von Mises, ingénieur des chemins de fer autrichiens, incarnait déjà l'esprit entrepreneurial d'une bourgeoisie viennoise en pleine ascension. Élevé dans un milieu libéral, Mises grandit entouré de débats intellectuels, mais ce fut à l'Université de Vienne qu'il forgea son armure théorique. Initialement attiré par les idées interventionnistes de gauche – une tentation courante chez les jeunes esprits effervescents –, il subit une conversion fulgurante après avoir dévoré Les Principes d'Économie Politique de Carl Menger, le fondateur de l'École Autrichienne.

Menger, avec sa théorie de la valeur subjective et de l'utilité marginale, offrait à Mises une boussole pour naviguer dans le labyrinthe économique. Comme le note Jörg Guido Hülsmann dans sa biographie magistrale Mises: The Last Knight of Liberalism, Mises devint un pilier du séminaire d'Eugen von Böhm-Bawerk, où il affûtait ses arguments contre les historicistes allemands qui prétendaient que l'économie était une science empirique malléable. En 1906, il obtint son doctorat en droit, suivi d'une habilitation en économie en 1912. Mais déjà, les graines de la dissidence étaient semées. Mises, avec son humour pince-sans-rire typiquement viennois, aurait pu dire que ces années formatrices lui apprirent que "l'État est le grand fiction par laquelle tout le monde essaie de vivre aux dépens de tout le monde" – une paraphrase espiègle de sa propre critique des illusions collectives.

La Carrière en Autriche : Un Économiste au Service de la Réalité

Dès 1909, Mises intégra la Chambre de Commerce autrichienne, où il gravit les échelons jusqu'à devenir directeur de section en 1934. Ce poste, loin d'être un simple bureau, fut son observatoire privilégié sur les rouages de l'économie réelle. Témoin des ravages de la Première Guerre mondiale et de l'hyperinflation autrichienne des années 1920, il appliqua les principes autrichiens pour conseiller sur la stabilisation monétaire. Son premier coup de maître intellectuel arriva en 1912 avec Théorie de la Monnaie et du Crédit, où il intégra la théorie monétaire à l'utilité marginale, posant les bases de la théorie autrichienne des cycles économiques.

Ici, Mises expliquait que les expansions de crédit artificielles, orchestrées par les banques centrales, mènent inévitablement à des "investissements erronés" (malinvestments), suivis de crises purificatrices. Un exemple concret ? L'hyperinflation allemande de 1923, que Mises analysa comme une conséquence inévitable de l'impression monétaire effrénée. Comme il l'écrivit dans Human Action (1949) : "L'expansion du crédit est la cause fondamentale des cycles économiques ; elle crée une illusion de prospérité qui s'effondre inévitablement." Cette idée, reprise par son élève Friedrich Hayek (lauréat du Nobel en 1974), illustre comment Mises transforma l'École Autrichienne en une forteresse contre les mirages keynésiens.

Mais la carrière de Mises n'était pas exempte de frustrations. Malgré ses publications prolifiques, il fut systématiquement écarté des chaires universitaires viennoises, réservées aux socialistes et interventionnistes. "Les universités sont des bastions de l'orthodoxie étatiste", confia-t-il plus tard, avec une ironie amère. C'est dans ce creuset que naquit son mariage avec Margit Schuller en 1920 – une union qui dura jusqu'à sa mort et qui, selon ses proches, apporta à Mises une ancre personnelle au milieu des tempêtes intellectuelles.

Les Grandes Luttes : Contre le Socialisme et l'Omnipotence de l'État

Si Mises fut un lion, ce fut dans sa bataille contre le socialisme, qu'il démantela avec une logique chirurgicale. En 1920, son article "Le Calcul Économique dans la Communauté Socialiste" – étendu en livre en 1922 – frappa comme un coup de tonnerre. Il démontra que sans propriété privée et prix de marché, le socialisme rend impossible tout calcul rationnel des ressources. "Le socialisme est une alternative au capitalisme comme le cyanure de potassium l'est à l'eau", lança-t-il avec son humour noir caractéristique dans Human Action. Cette "impossibilité économique du socialisme" devint un pilier de l'École Autrichienne, validé par l'effondrement de l'URSS en 1991.

Ses luttes ne s'arrêtèrent pas là. Dans Liberalism (1927) et Critique de l'Interventionnisme (1929), Mises pourfendit les demi-mesures étatistes, arguant que toute intervention mène soit au marché libre, soit au socialisme total. Prenons l'exemple de la Grande Dépression : tandis que Keynes prônait des dépenses publiques massives, Mises avertissait que cela prolongeait les malinvestments. "L'interventionnisme est une voie sans issue ; il appelle toujours plus d'interventions, jusqu'à la planification complète", écrivait-il. Hayek, son protégé, témoigna plus tard : "Mises était le dernier chevalier du libéralisme", soulignant comment il forma une génération d'économistes à résister au marxisme ambiant.

Politiquement, Mises fut un libéral classique intransigeant. Il conseilla le chancelier autrichien Ignaz Seipel dans les années 1920 pour libéraliser l'économie, mais l'ascension du nazisme en 1933 transforma ses écrits en actes de résistance. Dans Nation, État et Économie (1919), il avait déjà prédit que le nationalisme exacerbé mènerait au totalitarisme. Son motto, tiré de Virgile – "Tu ne cede malis, sed contra audentior ito" (Ne cède pas au mal, mais affronte-le avec plus d'audace) – résume cette posture héroïque. Humour autrichien oblige : face aux bureaucrates envahissants, Mises comparait l'État à un "géant maladroit qui écrase les fourmis sous ses pieds en prétendant les aider".

L'Exil et l'Héritage Américain : Une Vie en Marges Glorieuses

L'Anschluss de 1938 scella le sort de Mises. Juif et libéral, il fuit Vienne pour la Suisse, où il professa à l'Université de Genève jusqu'en 1940. Puis, en pleine Seconde Guerre mondiale, il s'exila aux États-Unis, arrivant à New York avec peu plus que ses manuscrits. Les premières années furent rudes : sans poste universitaire stable, il subsista grâce à des conférences et des travaux pour le National Bureau of Economic Research. "L'exil est le lot des prophètes", ironisa-t-il, écho à ses luttes académiques en Autriche.

De 1945 à 1969, il enseigna comme professeur invité à New York University, financé par des fondations privées comme le William Volker Fund – un témoignage ironique de la supériorité du marché sur l'université étatiste. C'est là qu'il rédigea son magnum opus, Human Action (1949), un traité exhaustif sur la praxéologie – la science de l'action humaine déductive. Mises y pose l'axiome fondamental : "L'action humaine est une manifestation de la volonté de l'homme d'améliorer son état de bien-être." Ce livre, plus de 900 pages de pure raison autrichienne, inspira Murray Rothbard et tant d'autres, ravivant l'École dans un monde keynésien dominant.

Ses dernières luttes ? Contre le positivisme et les modèles mathématiques en économie, qu'il voyait comme des "pseudo-sciences". Dans Theory and History (1957), il opposa la théorie thomiste déductive à l'historicisme relativiste. Mises mourut le 10 octobre 1973 à New York, à 92 ans, laissant un legs immortel : l'Institut Mises, fondé en son honneur, perpétue ses idées aujourd'hui.

Un Héritage qui Défie le Temps

Ludwig von Mises ne fut pas un économiste de salon ; il fut un guerrier intellectuel, dont les luttes contre le collectivisme forgent encore notre compréhension de la liberté. Comme il l'affirmait : "Tout le monde porte une partie de la société sur ses épaules ; nul n'est soulagé de sa part de responsabilité par les autres. Et nul ne peut trouver une issue sûre pour lui-même si la société file vers la destruction." Dans un ère de déficits galopants et de régulations omniprésentes, ses leçons résonnent : le marché libre n'est pas un dogme, mais la seule voie rationnelle. Et si, par un clin d'œil humoristique, nous concluons que Mises aurait ri des cryptomonnaies comme d'un "or numérique instable" ? Son esprit, audacieux et intemporel, nous invite à oser contre le mal – avec plus de logique, et un soupçon de sourire viennois.