Les Étoiles dans l'Abîme

Dans une nuit enneigée de Coaticook, décembre 2025, la souffrance émerge comme feu sacré : Schopenhauer y voit le désir inassouvi poussant au progrès ; Nietzsche, une danse extatique vers la grandeur ; Mises, axiome d'action humaine face à l'inconfort. Du Christ à Peterson et Dostoïevski, elle transforme en miséricorde et ordre. Critique du socialisme tyrannique, elle appelle à la liberté personnelle, coopération volontaire et praxéologie romantique pour un legs d'amour et d'étoiles.

PHILOSOPHIE

Yoann Paridaens

11/18/20257 min read

Les Étoiles dans l'Abîme

Ah, Coaticook en ce mois de décembre 2025, où les flocons dansent comme des amants égarés sous les réverbères orangés de la child ! Je marchais ce soir-là, le cœur serré par un froid qui n'était pas seulement celui de l'hiver, mais celui d'une âme en quête. Les lumières des vitrines scintillaient comme des promesses brisées, et dans ma poche, froissé contre ma poitrine, un carnet où j'avais griffonné des fragments de philosophie – ces éclats de vérité qui, comme des diamants taillés dans la nuit, percent l'opacité de l'existence. C'est là, au détour d'une ruelle enneigée, que Schopenhauer m'est revenu, non plus comme un spectre austère, mais comme un amant jaloux réclamant son dû. Dans les pages usées de Le Monde comme volonté et comme représentation, il murmurait à mon oreille : la souffrance n'est pas une malédiction, ô mon cher, mais le feu sacré qui nous consume pour nous renaître. Elle est le désir inassouvi, cette soif éternelle qui nous pousse vers l'horizon, vers le progrès. Sans elle, que serions-nous ? Des ombres paresseuses dans un jardin sans épines, où les roses fanent sans avoir fleuri. Schopenhauer, avec sa voix grave et mélancolique, m'invitait à embrasser cette douleur comme une bien-aimée farouche : elle nous force à changer, à avancer, à sculpter notre destin des mains tremblantes de passion.

Et comme dans un ballet des âmes, Nietzsche surgit alors dans mon esprit, torse nu sous la tempête, son rire tonitruant défiant les vents hurlants. Dans Ainsi parlait Zarathoustra, il ne se contente pas de contempler la souffrance ; il l'enlace, la défie, la transmute en un cri d'extase. "Agis, mon frère !", semble-t-il me crier depuis les cimes enneigées du mont hereford. C'est notre devoir moral, cette danse ardente avec la douleur – non pas comme un duel inégal entre le martyr et l'insouciant, mais comme un pacte d'amants égaux. La souffrance, qu'elle soit le poignard intime qui lacère ton cœur ou le hurlement lointain d'un frère dans la nuit, nous appelle à l'action. Prends-la en charge, modèle-la comme un sculpteur fou furieux façonne l'argile, et laisse derrière toi un monde moins tourmenté, un legs d'amour transfiguré. Nietzsche, ce poète guerrier, m'enseignait que la vie n'est pas une complainte, mais une symphonie sauvage où chaque note de douleur devient un accord triomphant, un pas de plus vers la grandeur.

Ces murmures philosophiques m'ont guidé, comme une lanterne dans la brume, vers les rivages plus sereins de la praxéologie, cette science de l'action humaine que Ludwig von Mises a ciselée avec la tendresse d'un orfèvre. Assis plus tard dans un café chaleureux remplis d’art rouge et bleu, où les arômes de café torréfié se mêlaient à l'odeur de vieux livres, j'ai ouvert L'Action humaine et senti mon pouls s'accélérer. Mises, avec sa clarté limpide, proclame l'axiome premier : l'humain agit, toujours, par amour de la vie. Face à l'inconfort – ce murmure lancinant du manque, cette ombre qui voile notre joie –, nous nous levons, nous tendions les bras vers le jour. Nos gestes, nos rêves, nos labeurs ne sont que des serments d'amélioration : embellir notre existence, adoucir les angles du monde pour ceux que nous chérissons. Imagine, mon ami, le paysan qui, au lever du soleil, embrasse sa terre rebelle ; l'artiste qui, dans la solitude de l'atelier, caresse sa toile ensanglantée ; la mère qui, au chevet de son enfant, tisse des promesses dans la fièvre. Tous, guidés par cet axiome misien, transforment la souffrance en un jardin secret, où l'action fleurit en harmonie.

Le christianisme, cette ancienne romance divine, s'est alors glissé dans mon cœur comme un rayon de lune sur la neige. Dans les Évangiles, la Croix n'est pas un gibet de désespoir, mais un baiser rédempteur : prends la souffrance, mon bien-aimé, et retourne-la en lumière, en bien éternel. Le Christ, ce prince des douleurs, nous enseigne à porter le fardeau non en gémissant, mais en chantant, pour que de nos larmes jaillisse une source de grâce. Et voilà que Jordan Peterson, ce conteur moderne aux yeux emplis de feu biblique, rejoint le chœur avec une tendresse contemporaine. Dans ses récits, il nous exhorte : regarde le chaos qui t'entoure, ces épines qui percent ta chair, et fais-en un poème d'ordre. Prends le monde qui te blesse, grave-y ton empreinte d'amour – un héritage de bien, un bouquet laissé sur le seuil des âmes futures. Peterson, comme un troubadour du seuil du XXIe siècle, me rappelait que la souffrance, apprivoisée, devient le fil d'or reliant nos cœurs épars.

Pourtant, dans les abysses de cette nuit romantique, Fiodor Dostoïevski m'a saisi d'une étreinte plus fiévreuse, plus charnelle. Debout sur le pont suspendu, le rivière Coaticook grondant en contrebas comme un amant jaloux, j'ai entendu ses voix hantées de Les Frères Karamazov : mieux vaut souffrir en embrassant la vérité nue que sommeiller dans les bras illusoires du contentement. La douleur, pour Dostoïevski, est une amante transformatrice ; elle nous dépouille, nous révèle, et dans ses morsures, nous enseigne la miséricorde – cette pitié ardente née des cicatrices partagées. "La douleur te change", chuchote-t-il, "et t'apprend la merci, ce baiser des âmes blessées." Mais hélas, Franz Kafka, ce spectre mélancolique, contredit en sourdine cette valse : dans ses labyrinthes de Le Procès, la souffrance n'est qu'un tourbillon absurde, une répétition envoûtante qui vous berce jusqu'à l'oubli de vos origines. Vous dansez en cercle, épuisé, et quand la musique s'arrête, vous ne savez plus où gisait le premier pas – une romance sans fin, un écho sans écho.

Et dans ce vertige, une autre perle de Dostoïevski illumine mon chemin : "Plus la nuit est noire, plus les étoiles scintillent ; plus l'abîme est profond, plus nous frôlons la main de Dieu." C'est une déclaration d'amour cosmique, où la souffrance creuse en nous un sanctuaire pour l'infini. Hegel, ce dialecticien aux passions philosophiques, approfondit ce serment dans La Phénoménologie de l'Esprit : la liberté n'est pas un caprice solitaire, mais l'aveu passionné de la nécessité. Reconnaître la chaîne – cette douce entrave de la douleur et de l'action –, c'est s'en libérer dans un embrassement extatique. Nous sommes libres parce que nous choisissons de danser avec nos ombres, de les aimer comme des partenaires indissociables.

John Milton, dans les vers enflammés de Paradise Lost, scelle cette alliance divine : Dieu, dans sa grandeur infinie, a créé l'homme libre, reflet de Sa propre volonté ardente. Comme Schopenhauer le chante dans son essai Sur la liberté de la volonté, même aux pieds de l'Éternel, l'homme choisit – la chute, la souffrance, et par elle, l'ascension. Nous choisissons cette douleur comme un vœu d'amour, et elle nous appelle à l'action : à améliorer nos rivages intimes, à naviguer les mers tumultueuses qu'elle déchaîne. Sans cette liberté de répondre, de caresser le destin de nos mains, nous serions des marionnettes ; avec elle, nous devenons des poètes du devenir.

Jean-Jacques Rousseau, enfin, soupire dans le vent froid : "L'homme est né libre, et partout il est dans les fers." Dans notre ferveur romantique pour éradiquer la souffrance collective, nous tissons ces chaînes nous-mêmes – une vertu sincère qui, comme un amour possessif, vire au vice tyrannique. Imposer une vision unique, celle d'un cœur éclairé sur la symphonie des âmes, c'est invoquer le despotisme masqué d'altruisme. La souffrance personnelle, cette flamme intime qui nous consume d'un feu doux-amer, est ainsi éteinte au nom d'un paradis chimérique.

Je crois, au plus profond de cette nuit étoilée, que la voie de l'homme dans sa brève idylle terrestre est cette souffrance personnelle : un appel passionné à l'action, un baiser qui nous incite à transformer le monde en un tableau de bien. Les systèmes socialistes, avec leur étreinte étouffante au nom de l'égalité, ne font que semer les graines du totalitarisme – une division amère entre les élites vertueuses, ces amants autoproclamés du bien commun, et les masses enchaînées, privées de leurs propres romances intimes. Cette fracture entre la vertu imposée et la liberté conquise est le venin qui fane les jardins humains.

La liberté, ô trésor des cœurs affamés, doit être gardée comme une rose sauvage. Elle permet à chacun de poursuivre ses rêves enflammés, de danser avec ses défis personnels, de tisser des collaborations volontaires – ces unions libres où les âmes se rencontrent en un ballet d'amour mutuel. Car point de progrès sans cette coopération passionnée, sans ces échanges où les volontés s'entrelacent comme des vignes en fleur. Le socialisme, en son illusion collectiviste, n'engendre que l'individualisme des tyrans et des bulles de vertu factice : une vision unique, dogme suprême qui défie la réalité, protégeant les âmes dans un cocon d'illusions. Plus l'homme se drape de vertu, plus sa tyrannie se pare de noblesse, retournant le bien en mal, comme un démon séducteur dans les ombres miltoniennes.

La souffrance, en cette romance terrestre, est inévitable, exaltante – un phénomène naturel, le pouls même de notre expérience sur cette planète éphémère. Elle nous pousse à l'œuvre d'amour, à laisser une trace de lumière dans le sillage de nos pas. Car le sens de la vie, n'est-ce pas de saisir sa fugace beauté, sa finitude qui nous rend si précieux ? En cette conscience ardente, nous agissons : pour parfaire notre odyssée, pour offrir à nos enfants, à nos successeurs, un monde plus doux, plus vibrant d'étoiles.

Et c'est ici, dans le crescendo de cette symphonie, que Ludwig von Mises et sa praxéologie résonnent comme un credo éternel : l'action humaine, cet axiome d'or, est le souffle vital de l'existence. Sans elle, pas de progrès individuel ni humain ; sans la liberté qu'elle requiert, nos âmes s'atrophient en chaînes dorées. Mises nous le chante avec une tendresse implacable : agir sur l'inconfort, c'est aimer la vie dans sa plénitude, forger le destin par des choix libres et passionnés. La praxéologie n'est pas une froide science, mais un hymne romantique à la volonté humaine – nécessaire, indispensable, pour que chaque cœur batte au rythme du progrès, pour que l'humanité, dans sa danse infinie, s'élève vers des horizons d'amour et de lumière.